P R E F A C E

 _________

 

    Qui ne s’est pas senti découragé en présence d’un grimoire ?

Qui ne s’est pas arrêté, net, au cours de la lecture relativement facile d’un acte du XVII° siècle ?

Qui n’a pas ragé de ne pouvoir déchiffrer deux ou trois mots essentiels pour la compréhension du texte qu’il a sous les yeux ?

On revient en arrière ; on reprend son élan... Une fois, deux fois, trois fois … et on bute toujours sur le même obstacle !

 

Certes, avec l’habitude, on lit, en suivant par la pensée le geste de la main qui tenait la plume.

Cette méthode évite d’ânonner, de perdre le sens de la phrase : on devine autant qu’on ne lit. Sauf à se relire à nouveau pour corriger les éventuelles erreurs – on appelle cela « collationner »  - ce procédé permet de sauter bien des obstacles.

Mais là, point de secours !

              Déchiffrer, lettre après lettre, les mots illisibles s’avère vite décevant … La vue se brouille. 

             Mieux vaut abandonner pour un moment et y  revenir ensuite.

              Deux cas se présentent alors :

- ou vous êtes confronté pour la première fois à une écriture de ce genre

- ou vous l’avez déjà quelque peu pratiquée.

 Dans le premier cas, mieux vaut déchiffrer les passages à votre portée et laisser en blanc les (trop) nombreux mots incompréhensibles. Puis, après avoir pris du repos (car, soumis à un tel effort d’adaptation, l’œil se fatigue vite) réviser le texte déjà lu pour vous imprégner de son graphisme. Peu à peu votre œil s’habituera à la forme des lettres, aux abréviations et surtout aux liaisons.

 Ne vous découragez pas ; persévérez !

 Après plusieurs tentatives, vous serez tout étonné de déchiffrer des mots que vous aviez jugés illisibles au premier abord.

 Dans le second cas, vous vous référez à vos petites notes paléographiques.

Au fil du temps, chaque chercheur a constitué son « trésor » personnel de notes glanées au cours de nombreuses séances de travail. Puis vous relisez des passages entiers d’actes de cette époque.

Votre œil se familiarisera à nouveau à ce graphisme qu’il a déjà rencontré, et, avant de le laisser se brouiller, vous tenterez une nouvelle lecture des passages difficiles.

 Une fois, deux fois… Ce genre de méthode donne souvent de bons résultats. Des pans entiers de mots incompris tomberont sous votre perception.

 Mais pas tous, ce serait trop beau !

 Certains mots restent des énigmes, notamment les noms de lieux.

Ces derniers pour deux raisons : le sens général de la phrase ne vous est d’aucune utilité et l’orthographe de l’époque n’est pas celle de la nôtre.

 Alors, que faire pour résoudre ces énigmes ?

 Consulter plus habiles que vous ? Il est souvent difficile de retenir leur attention et on a peur de les importuner.

 C’est à ce moment là que le présent ouvrage peut se révéler très précieux.

 D’abord, son classement par ordre alphabétique de la lettre initiale des mots peut vous tirer d’embarras si vous pouvez l’identifier avec certitude.

 Ensuite, l’Auteur a choisi ses exemples avec discernement et pédagogie, aux meilleures sources d’archives, très proches de celle sur laquelle vous peinez.

 En parcourant ce gros ouvrage, vous découvrirez sans doute une graphie sur laquelle vous avez longtemps buté. Les formules sont très bien choisies, parfois données en latin. Elles fournissent la clef de celles utilisées couramment dans les actes notariaux ou judiciaires de cette époque et aujourd’hui totalement tombées dans l’oubli depuis fort longtemps.

 Un terme dont le sens vous avait échappé devient clair quand vous le voyez imprimé et transcrit en français contemporain.

 L’écriture étudiée ici est celle que vous rencontrerez inévitablement au cours de vos recherches, en remontant dans le temps, passant des actes relativement modernes, encore à peu près lisibles, à des actes plus anciens de la première moitié du XVII° siècle et surtout du XVI°.

 En effet, l’écriture de ce dernier est de loin la plus difficile à lire. L’époque de la Renaissance fut celle de l’alacrité de l’esprit…. et de la plume !

 Le présent ouvrage a l’immense mérite d’exister ; grâce à un travail considérable de recension, de classement et d’informatique, mené avec continuité pendant plus de dix années, il met sous les yeux des lecteurs une multitude d’habitudes graphiques utilisées à cette époque.

  Certes, cet ouvrage a été conçu dans un but de consultation pratique, immédiate pour sortir le Lecteur de l’embarras, non pour lui faire un cours de paléographie, nécessairement long. On n’y cherchera donc pas des études sur l’évolution des gestes graphiques au cours des siècles, ni un exposé complet sur les différents systèmes d’abréviations et de liaisons, ni sur les écritures des XII°, XIII°, XIV° et partie du XV°siècles. On cherchera ailleurs une Histoire de l’Ecriture en France, au Moyen Age, dont la connaissance est essentielle.

 Mais on gardera sur la table de travail, à côté de soit, cet important recueil de graphismes élucidés … au cas ou ?…

Xavier du BOISROUVRAY

Archiviste Paléographe

Conservateur Général (h.) du Patrimoine